Nos coups de coeurs




Ici n'est plus ici, Tommy Orange, Albin Michel, 22€

Roman résolument moderne sur la condition des Indiens d'aujourd'hui, pas ceux des réserves, non « ici n'est plus ici », suit 12 personnages en quête de leur identité dans le brouhaha qu'est la baie d'Oakland à San Francisco. Tommy Orange nous fait partager la vie de ces indiens des villes qui vivent avec le paradoxe d' être les citoyens d'un pays dont ils sont également les victimes.

Moderne de par le style de l'auteur, moderne de par les sujets traités, misère sociales, séparations, pauvreté, féminisime, quête d'identité, trafic de drogue, accoutumance à l'alcool, à l'informatique...

Un roman puissant sur la résilience des amérindiens.

Extrait :
Mais pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer et l'acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n'y a pas de là, là : ici n'est plus ici.


Le pouvoir d'agir ensemble, ici et maintenant,
- entretiens - Rob Hopkins, Lionel Astruc Actes Sud,collection domaine du possible 20€, 151 pages

A travers un entretien, facile à lire l'initiateur des villes en transitions, Rob Hopkins répond aux questions de Lionel Astruc et nous éclaire sur le succès et la réussite du mouvement des villes en transitions. Un livre plein d'espoir qui convaincra même les plus sceptiques sur ce qu'il est possible de faire pour se préparer à l'après pétrole tout en favorisant le commerce local et le lien social.



« Lorsqu'un consommateur fait des achats à auteur de 10 livres dans les supermarchés alentour et autres chaînes de commerces, il n'apporte en réalité que 3,6 livres d'activité économique dans sa ville. En revanche, s'il fait ses courses dans les commerces locaux indépendants, il génère des retombées à hauteur de 17,6 livres, soit près de 5 fois plus. En somme si nous voulons créer des emplois près de chez nous, mieux vaut éviter l'ouverture de magasins appartenant à des grands groupes et préférer les commerces locaux pour maximiser cet Effet de multiplication locale. »
p97

Les grandes marées, Jym Lynch, éditions Gallmesiter, 9€20

 
extrait:
"La plupart des gens n'ont pas envie de se poser un moment pour contempler ce genre de choses, à moins qu'ils se retrouvent en train de marcher seuls la nuit, à marée basse, avec une lampe électrique pour voir toute cette vie faire des bulles, s'enfuir et cracher dans les hauts-fonds. A partir de ce jour-là, ils auront du mal à ne pas penser aux origines des la vie, et à une Terre sans bitume, sans plastique, sans l'Homme."


Le nature writing sur l'estran, un hymne à Rachel Carson!

Un devin m'a dit, Tiziano Terzani, édition Intervalles, 14€90 traduit par Isabel Violante

coup de cœur Romain

extraits:


« En voyageant entre l'Asie et l'Europe en train, en bateau, en voiture, parfois même à pied, le rythme de mes journées a complètement changé, les distances ont repris leur valeur et j'ai retrouvé dans le voyage le goût de l'ancien de la découverte et de l'aventure. »

« Se déplacer n'était plus une question d'heures, mais de jours, j'ai dû bien examiner les cartes, me remettre à l'étude de la géographie. Les montagnes sont redevenues des obstacles possibles sur mon chemin, et pas seulement de beaux ornements inutiles dans un paysage vu par le hublot. »

« Voyager en train ou en bateau sur de longues distances m'a rendu le sens de l'étendue du monde, et surtout m'a fait redécouvrir une humanité, celle de la plupart des gens, qu'on oublie à force de la survoler. Cette humanité qui se déplace chargée de colis et d'enfants, que les avions et tout le reste laissent loin derrière eux »

« Lire un guide en sautant d'un aéroport à l'autre n'équivaut aucunement à l'acquisition lente et pénible -comme une osmose- des humeurs de la terre auxquelles vous rive le train. »

«  Les aéroports, aussi faux que des messages publicitaires, îles d'une perfection relative dans la débâcle des pays où ils se trouvent, se ressemblent tous désormais ; dans tous on parle le même langage international qui donne à chacun l'impression d'être arrivé chez lui. En réalité, on ne fait que débarquer dans une périphérie dont il faut repartir en autobus, ou en taxi, pour un centre ville toujours très éloigné. Les gares en revanche, sont vraies, elles sont les miroirs des villes au cœur desquelles elles sont érigées. Les gares sont proche des cathédrales, des mosquées, des pagodes, des mausolées. Lorsqu'on y arrive, on touche vraiment au but du voyage. »

Ce qui gît dans ses entrailles, Jennifer Haigh, édition Gallmeister, 24€20 traduit par Janique Jouin-de Laurens




Je viens juste de terminer le meilleur livre de la collection Americana des éditions Gallmeister, et pourtant j' avais adoré Fin de Mission et Compagnie K. C'est un de ces romans avec un grand R, ou l'on retrouve une multitude de personnages tout aussi fascinants les uns que les autres. Une véritable fresque sociale orchestrée par une main de maître d'une auteure qui m'était complètement inconnue jusque là. Il est vrai que le sujet m’intéressait beaucoup mais je ne m'attendais pas à être captivé à ce point là. C'est à la fois une partie de l'histoire de la Pennsylvanie, du premier forage, d'un accident nucléaire, de la ville de Bakerton et de ses habitants. Ce qui gît dans ses entrailles fait le tour de la question du gaz de schiste sous la forme d'un roman habilement écrit dans un style percutant.
Extraits:


« Plus que tout autre lieu, la Pennsylvanie n'existe que par ce qui gît dans ses entrailles. On considérait alors l'huile de pierre comme une nuisance locale, un infâme magma noir malodorant qui flottait telle une rumeur le long du ruisseau, une infecte matière poisseuse qui collait à tout ce qu'elle touchait : une salopette de fermier, le cuir d'une vache, les chaussures d'un enfant. Des citoyens entreprenants essayaient de lui trouver un usage. A la scierie, elle servait de lubrifiant. Le médecin de la ville lui attribuait des pouvoirs médicinaux. Ce qu'elle soignait restait un mystère. »





Les actionnaires adoraient tout ce bazar. C'est une groupe sociable, enclin à la gentillesse. Enfants, ils rejoignaient les fraternités et les équipes de sports collectifs. Ce sont maintenant des hommes d'affaires dans un climat ensoleillé, là où les Affaires sont vénérées au même titre que Dieu et le Pays, ces grandes et bonnes choses chères à tous les gens sains. Ils sont fière d'être associés à Dark Elephant, sans ambivalence quant à ses opérations. Les profits trimestriels sont accueillis avec des tapes dans le dos et de grands sourire texans, une joie virile toute simple.p30



Il passe un peigne dans ses cheveux mouillés – la marque de fabrique de Whip, blond et hirsute, en permanence ébouriffé par le vent, comme s'il rentrait d'une régate. Dans un secteur dirigé par des hommes à la coupe en brosse- banquiers et propriétaire de ranchs, anciens militaires, baptistes du Sud -, c'est un look peu orthodoxe. Mais comme chaque détail de son apparence, c'est calculé avec dessein.p38



La ville tient son nom des mines de charbon. Le gardien de prison tient son patronyme de son père. Tous deux ressentent le poids de leur nom, le fardeau ancestral : anomalie congénitale, espoirs de deuxième main. Condamnés, comme tous les homonymes, à porter l'histoire d'un autre, les gaffes et les faux pas, la promesse oubliée. Les concessions faites à l'âge, ses abdications amères ; les rares et fugaces moments de grâce. p47










Jours barbares, William Finnegan, éditions du sous-sol,23€50



Les mémoires de William Finnegan,intitulées Jours Barbares, sont de loin ce qui a été écrit de plus juste, de plus honnête et de plus sincère sur le surf en tant que sport mais surtout en tan que culture! William Finnegan a réussi le pari de faire rentrer le Surf dans la littérature avec un grand L. Aux Éditions du sous-sol, 23€50 pour 520 pages d'iode et d'adrénaline! de liberté ! disponible dans votre librairie indépendante A La Lettre Thé Morlaix



Extraits : P 27: Waimea Bay se trouve sur le littoral nord. La baie est considérée comme le plus important spot de grosses vagues au monde. Je n'en savais rien, sinon que c'était un lieu mythique – une sorte de scène , en fait, réservée aux seules prouesses de quelques héros du surf, omniprésents dans les magazines spécialisées. Roddy et Glenn n'en parlaient pas beaucoup, mais, à leurs yeux, Waimea était bel et bien un lieu important, une affaire à prendre avec le plus grand sérieux. On ne surfait là-bas que quand on y était prêt. Et bien sûr la plupart des surfeurs ne le seraient jamais. Mais, pour les petits Hawaïens qu'ils étaient, Waimea et les autres grands spots de la North Shore (la côte Nord) représentaient chacun une sorte de point d'interrogation... en forme d'ultime examen.





P 30: Le surf a toujours eu pour horizon cette ligne tracée par la peur, qui le rend différent de tant de choses et, en tout cas, de tous les autres sports de ma connaissance. On peut sans doute le pratiquer avec des amis, mais quand les vagues se font trop grosses ou qu'on a des ennuis, on ne trouve plus personne.

Tout, au large, semble s'entremêler de façon perturbante. Les vagues sont un terrain de jeu. Le but ultime. L'objet de vos désirs et de votre plus profonde vénération. En même temps, elles sont votre adversaire, votre Némésis, voire votre plus mortel ennemi. Le surf est votre refuge, votre bienheureuse cachette, mais il participe aussi d'une nature hostile et sauvage – d'un monde dynamique, indifférent.



P109 : Le style frénétique exigé par les shortboards, leurs virages foudroyants, leur besoin de toujours se trouver dans la partie de la vague qui se casse ou au plus près, ne laissait plus dorénavant de place qu'à un seul surfeur dans la vague. Le résultat était un désastre.

 
P112 : Mais une désaffection plus consciente, analytique et vaguement marxiste, commençait à planter ses racines dans les idées politiques de mon adolescence... et à désagréger, mentalement et moralement, le monobloc du pouvoir institué : faire la part des choses, le tri dans le véritable fonctionnement du système par-delà la seule impression que laissaient les apparences, se révélerait un labeur de nombreuses années. Entre-temps, le surf devint pour moi un excellent refuge, un rempart contre tout conflit – une raison de vivre, dévorante, physiquement épuisante et riche de joies. Il traduisait aussi très clairement – par sa futilité vaguement hors-la-loi, son renoncement à tout travail productif -, le désamour que je ressentais vis-à-vis du système.



Soleil rouge, Matthew McBride, Gallmeister, 21€00

coup de coeur Romain

Extraits : « Banks creusa encore un peu et apprit que Sue Ann Johnston avait un lien de parenté avec Jerry Dean. Il sourit tout seul en voyant se mettre en place le puzzle. C'était un ramassis de moins que rien, formant des cercles divers, et ils étaient tous liés les uns aux autres. Certains par le sang, d'autres par la drogue. »





« Banks rappela à haute voix qu'il était armé. Dit qu'il était prêt à tirer qu'il était sérieux. Avec ou sans mandat de perquisition. A raison ou pas. Il préférait être jugé par douze personnes que porté en terre par six. Il n'allait pas mourir dans un mobile home qui sentait la merde de chat. »






Le Gang de la clef à molette, Edward Abbey, Gallmeister (totem) 12€



L'histoire de quatre personnages au caractère bien trempé et différent et qui pourtant ont en commun la défense de la nature par tous les moyens ou presque. Que ce soit George l'ancien Béret vert, Bonnie l'infirmière hippie, Doc l'infatigable pourfendeur des panneaux publicitaires ou Seldom le mormon, ils ne supportent plus que l'on saccage la nature pour le profit de grandes entreprises.



Le grand roman d'Edward Abbey enfin édité en format poche. Toute la philosophie d'une des figures de la littérature «  Nature Writing » distillée dans un roman au rythme haletant avec une pincée d'humour. A l'heure des grands projets inutiles, ce livre devient définitivement un classique à lire absolument.







Le Nord c'est l'Est, Cédric gras, libretto, 9€10

Romain

Cédric Gras est un géographe aventurier empli de nostalgie qui nous livre ici un récit de la Russie - ou pour être plus exact des confins de la Russie - très loin et différent de la vision des médias. Au gré de ses divagations aux 4 coins de la la confédération aux 9 fuseaux horaires, il nous fait découvrir les peuples qui y habitent. Ami de Sylvain Tesson, il est lui aussi un très bon écrivain, souvent méconnu du grand public, qui n'a rien a envié à son comparse de terrain.
« Ce coup- ci nous sommes trois à patienter. Nous buvons une rioumka de vodka et ce n'est pas de l'alcoolisme, c'est un honneur et une coutume. Eux sont des chercheurs d'or et leur devise est : «  Il serait dommage de mourir en bonne santé. » Ils ont mon âge, mais avec la gueule que j'aurai dans dix ans. Et encore, j'espère m'en sortir sans les taillades qui défigurent leurs portraits. On n'a plus l'habitude chez nous de croiser des visages abîmés où transpire pourtant la jeunesse. »





« Un géographe québecois, Louis Edmond Hamelin, avait, dans les années 1970, mis au point des critères permettant de déterminer des « valeurs polaires » et qui furent utilisés pour le paiement des primes dans le Canada circumpolaire. Cette grille tenait en compte, outre le climat, la latitude et les facteurs azonaux, d'autres paramètres à caractères humain, comme l’accessibilité et les dessertes ou encore la densité de la population. En Russie, les coefficients ont été décidés au fil des ans et un peu anarchiquement. Un projet de loi en discussion depuis quelques années devrait venir systématiser de façon plus scientifique cette approche multicritères. » p115/116

« Le Nord est parfois un hasard -ou un destin- auquel on finit par s'abandonner. » p107

« On me montra une machine japonaise flambant neuve qui avait plus de programmes que moi de vêtements. J'ai renoncé pour aller m'allonger sur un vieux lit datant d'avant l'ouverture du commerce avec les pieds asiatiques. Le High-tech me fatigue lorsqu'il touche les objets du quotidien. C'est un détournement de la science. Je préfère les fusées d'exploration spatiale et les grands pas pour l'humanité. En cela je suis très soviétique. »



Les Neiges de Damas, Aude Seigne, Zoe, 17€.

 



Aude Seigne le dit elle même, elle est nostalgique... Elle a une écriture moderne, intime , nostalgique et mélancolique à la fois. Les neiges de Damas sont bien plus qu'un simple récit de voyage en Syrie, ou un un voyage dans le temps à travers le décryptage de tablette cunéiforme, il s'agit d'un voyage à la recherche du soi, un voyage vers l'inconscient.

« Je suis d'une nostalgie bête, puérile, de choses que je n'ai même pas connues. Jalouse de cet homme sur les remparts, dont la vie était quatre fois plus courte et mille fois plus difficile que la mienne mais que j'envie pour la place laissé aux projections, aux rêves, aux questions – insolubles historiquement- sur le monde qui l'entourait. Jalouse de son plaisir à imaginer ce qui pouvait se trouver au-delà des océans, plaisir mille fois supérieur à la connaissance certaine de frontières qu'une vie d'homme ne suffit plus à parcourir. J'ai la nostalgie de l'ignorance, de la naïveté, de l’imagination, des promenades en longues jupes dans l'enfance de ma grand-mère, des familles regroupées devant la télé le 21 juillet 1969 et assistant médusées aux premiers pas de l'homme sur la lune. Chaque période passée suscite ainsi en moi des regrets sans fondement, un romantisme à rebours, une nostalgie qui est aussi pratique, réconfortante et contradictoire. Je rêve de cahiers en beau papier alors que je n'écris plus que sur l'ordinateur et me félicite ainsi d'épargner des forêts alors que je ne les côtoie même plus. » P16-17.


« Non rien n'est vraiment rentable, si on cherche à justifier le travail de l'épigraphiste. Alors pourquoi insister, pourquoi continuer ? C'est qu'il y a la curiosité. Il y a ce code crypté, qui est comme une provocation. L'information existe. Il faut juste savoir la lire. Il faut savoir patienter, imaginer les corrélations les plus étranges, donner un sens aux marques et aux répétitions. L'inverse de notre société, qui brade souvent une information accessible et simplifiée que nous ne pensons pas toujours à vérifier. » p56-57



« On se croise en chemin sans toujours se comprendre », notait l'écrivain-voyageur qui voulait voir des temples et à qui on montrait des radios. Cela ne m'avait jamais paru aussi juste. Les horaires de ce lieu semblaient aléatoires et je n'ai jamais su si les propriétaires étaient chrétien ou musulmans et donc s'ils fermaient le vendredi ou le dimanche. Cet oasis de contact avec autrui n'avait donc aucune règles. Aucune certitude à ces quelques minutes de liberté bienheureuse. » p64





Exécutions à Victory, S. Craig. Zalher, gallmeister, 18€



Muté après une bavure, l'inspecteur Bettinger atterit à Victory dans le Missouri. Lui qui aimait la chaleur de l'Arizona va se trouver confronter à la froideur de Victory dans tous les sens du terme. Il y découvre une ville mutilée, détruite avec de véritable quartier de non-droits et des policiers débordés qui tentent tant bien que mal d'établir un semblant de justice. Dans une ville au description apocalyptique l'auteur nous brosse un portrait de l'Amérique dur et disons le carrément thrash. Une écriture forte, dure avec une bonne dose d'humour noire. Le premier quart du livre sert de mise en place et nous installe dans l'ambiance d'une Amérique contemporaine qui rappelle Détroit. Vous serez happé ou littéralement aspiré dans la lecture des trois derniers quart. Estomac sensible s'abstenir.

Extrait:


_Y a-t-il une chance pour que vous disparaissiez quelque part ?
_ Genre, que je me téléporte ?
Le capitaine Ladell hocha la tête.
_ Quelque chose comme ça.
_ Je n'ai jamais appris le faire.
_ Rien avec quoi vous pourriez faire une overdose ? Un médicament que prend votre femme ?
_ Non. Elle est en très bonne santé.
_ C'est ballot.
Bettinger avait besoin de savoir à quoi s'en tenir.
_ Est-ce que tout ceci veut dire que je suis viré ?
_ J'ai passé quelques coups de fil. J'ai dit que j'avais un enquêteur qui fait vraiment du bon boulot, un limier de premier ordre qui chie sur les tapis persans et qu'on ne peut garder dans la maison. (Le capitaine Ladell ouvrit un tiroir)
Vous connaissez le Missouri ?
Des frissons chatouillèrent la nuque du détective quinquagénaire. Il détestait le froid et selon lui les gens qui choisissaient d'habiter dans ces régions étaient des extraterrestres. A contre-coeur, Bettinger de faire avancer la conversation.
_ C'est un endroit, c'est ça ?
_ Devenu un état il y a un moment déjà. Il y a une ville dans le nord-est qui s'appelle Victory. Vous connaissez ?
_ Quelqu'un connaît ?
_ C'est dans la Rush Belt. Une région qui avait de l'avenir dans le temps, quand les Asiatiques étaient des Orientaux. (Le patron actionna une épaule , et un dossier en papier kraft glissa sur le bureau, s'arrêta, suspendu au-dessus du précipice comme un plongeoir.) Quand on tire la chasse quelque part dans le Missouri, voilà où ça va.




Lettres pour le monde sauvage, Wallace Stegner, Editions Gallmeister, traduit par Anatole Pons, 22€

Ce livre est un bijou de la littérature américaine, il s'ouvre par une émouvante lettre d'amour de l'auteur destiné à sa mère et se termine par un plaidoyer saisissant et sincère pour la sauvegarde du Monde sauvage dans l’intérêt de la sauvegarde de la santé mentale de l'Homme. Le milieu du livre est constitué de magnifique récits descriptifs de son enfance à la Frontière. Mais aussi une très belle définition de l'Ouest américain et du rapport entre l'homme de l'Ouest et la Nature.

Avec ce recueil de textes de Wallace Stegner, les éditions Gallmeister nous offrent un livre clé sur l'Ouest américain, la Frontière, l'Ecologie et l'écriture des grands espaces. Cet auteur est peu connu en France, malgré un talent incontestable pour le nature writing.
coup de cœur Romain

Chien du heaume suivi de Mordre le bouclier, Justine NIOGRET, Mnémos, 18€



Fini les clichés autour des mythes et légendes du haut moyen-âge. Place à une image plus cruelle de cette époque qui a fait rêver tant de générations. Les vrais monstres qui font trembler les enfants et les paysans démunis n'ont rien de fantastiques, ce ne sont que des hommes violents et assoiffés de pouvoir. Et dans ce monde impitoyable, il y a des personnages comme Chien du Heaume, ni sympathique, ni injuste. Elle n'a rien d'une grande héroïne au cœur pur, mais comme tout le monde, elle cherche sa place, et petit à petit, en apprenant à la connaître au fil des pages, elle finit par devenir attachante.

Les Pilleurs d'âmes, Laurent Whale, Hélios , 7€90



coup de cœur Tatiana
A découvrir, ce livre étonnant qui mêle roman d'aventure en pleine période de piraterie et space opéra. Le récit est fluide et bien construit, les personnages attachants et complexes.
Tant comme le personnage principal, vous serez ballotté dans l'univers étrange des pirates et subirez les nombreux rebondissements et coup de théâtre imaginés par l'auteur.
 

Un membre permanent de la famille, Russel Banks, Acte sud 22€





Les auteurs américains excellent dans l'écriture des nouvelles. A travers ces différentes histoires l'auteur nous livre une magnifique description sociale de l'Amérique contemporaine. L'Amérique d'Obama, des couples qui se déchirent, des retraités qui ont du mal à s'en sortir, mais aussi l’Amérique des oiseaux des neiges... Une autre vision terriblement bien écrite à des milliers de miles du rêve américain.

Alaska, Melinda Moustakis, Gallmeister, 22€50, traduit par Laura Derajinski



Melinda Moustakis est originaire de l'Alaska, elle a retranscrit dans son écriture toute la beauté, mais aussi la cruauté, la dureté de ce pays.
Bear down, Bear north (titre original) raconte l'Alaska comme vous ne l'avez jamais lue, celle des pêcheurs, des saumons et surtout des femmes autour desquelles tout tourne, portant leur famille à bout de bras, soutenant leur compagnon alcoolique ou fou. On retrouve dans ses nouvelles plusieurs familles aux destins et relations difficiles dans lesquelles on soupçonne une partie autobiographique.

Des phrases acérées comme un couteau, une prose mordante comme un hameçon. Pas de mots superflus, chaque adjectif, adverbe est pesé, l'auteure va à l'essentiel ! Elle s'affranchit des mots inutiles, rien que le strict minimum, juste ce qu'il faut, un style épuré comme l'Alaska.

Vous reprendrez bien un peu de ragoût sismique !
Extraits :

p29 :

« Les touristes scrutent ton frère – on voit bien que ce sont des touristes, comme le dit Jack, car ils sont « nuls pour ramer », ils portent des veste bleues assorties et ils ont déjà heurté votre embarcation. Une barbe poivre et sel à trente et un an, des biceps gros comme votre crâne, et le voilà qui agite sa chemise à carreaux en ordonnant aux nuages de circuler – Jack est ce qu'on appelle un gars du cru, en Alaska. Les touristes viennent pour voir des élans, des aigles, pour pêcher des saumons king qu'ils n'ont vus qu'en rêve. Ton frère est un bonus. »





p63 : « L'enfance, une partie de cache – cache. Ils ne lui demandent jamais de quoi elle se cachait. La vérité, c'est qu'il y a des grizzlys, il y a des poings, des bouteilles et des ceintures. Il y a des choix : faire le mort ou se cacher »




p148 « Quand une personne loue notre bateau pour une excursion, on lui dit « pas de bananes ». Abstenez-vous d'en manger au moins un jour avant votre sortie de pêche. Pas même de cake à la banane. Ne les touchez pas, ne les sentez pas. Mutts a faits de grands autocollants BANANES INTERDITES pour le Halibut hellion et le R U UP ? Ils sont sur le modèle des interdictions de fumer, mais on y voit un régime de bananes dans un cercle rouge. Les bananes portent malchance – elles font fuir les poissons. »

Goat Mountain, David Vann, Gallmeister, 23€90

coup de cœur Romain
Pour son quatrième roman, David Vann n'a pas fini de nous surprendre.



Trois générations se retrouvent sur les terres familiales pour chasser le cerf, épreuve obligatoire pour devenir un homme. Le narrateur n'a que 11 ans et la loi californienne n'autorise à tuer un cerf qu’à partir de l’âge de 13 ans. C'était sans compter sur un grand père nihiliste et une loi familiale au dessus de tout, la loi du clan.



Seulement tout dérape dès le début, le narrateur commet l'irréparable, le père complètement dépassé essaye tant bien que mal de remettre les choses dans l'ordre, c'était sans compter sur le grand père véritable bête des montagnes.



Un véritable chef d’œuvre d'écriture qui nous porte à travers les chapitres sans qu'on puisse deviner où l'auteur veut nous emmener. On retrouve dans les descriptions des paysages une pointe de John Muir et parfois un soupçon de H. D. Thoreau.Avec David Vann on retient son souffle à chaque page. Une écriture haletante et sous tension magnifiquement orchestrée. 

Extraits


page 34 : « Ils regardaient tous les deux par terre, et je savais que je trouverais le braconnier à leurs pieds. Je n'hésitai pas. Une part de moi-même ne tournait pas rond, et je ne pourrais jamais découvrir la source de tout ceci. Je fus en mesure de marcher jusque-là, de regarder ce corps et, bizarrement, je n'en fus pas davantage bouleversé qu'en regardant la carcasse d'un cerf. Si j'éprouvais quelque chose, c'était de l'excitation. Et c'était peut-être parce que, toute ma vie, j'avais vu quantité de cerfs et d'autres cadavres étendus au sol. Nous étions toujours occupés à tuer quelque chose, c'était comme si nous avions été mis ici-bas pour tuer. »



page 56 : « Le plateau du pick-up à présent déchargé, je pouvais m'y tenir debout, mes épaules juste au-dessus de l'habitacle. Nous aurions dû marcher dans la forêt, avançant en silence, dissimulés par les arbres, à l'affût d'un mouvement d'oreilles ou de bois, ou d'une tâche brune plus claire que l'arrière-plan. Nous arrêter pour écouter. Mais mon grand-père s'était mué en un être moderne, en une obésité injectée d'insuline, bourrée de médicaments, incapable de parcourir plusieurs kilomètres dans une forêt. Un millier de générations, des dizaines de milliers d'années terminées avec lui. Obligé de rester assis dans un pick-up et de chasser avec un moteur dont le bruit permettait à tous les cerfs de nous entendre arriver à des kilomètres à la ronde. ...J'observai mon grand-père qui se préparait et avançait avec lourdeur, et il me semblait impossible que je puisse descendre de lui. Tous les traits de son visage fanés, estompés, ne laissant que des étendues de chair bouffie, une excroissance. »



page 59 : «  Mon père, une forme plus constante, basse au-dessus du sol, une gravité différente. Peu importait que le cerf soit imaginaire. Je savais qu'il le trouverait, quoi qu'il arrive. Il ferait apparaître un cerf. Il l'abattrait en pleine course, cette détonation puissante roulant d'une crête à l'autre et claquant contre le sommet des montagnes.

Ce que nous voulions, c'était courir ainsi, pourchasser notre proie. C'était l'intérêt. Ce qui nous poussait à courir, c'était la joie et la promesse de tuer.

Je sentais mes poumons, mes jambes, mais c'était simplement parce que je savais qu'il n'y avait pas de cerf. Les hommes ne devaient rien sortir, toute la douleur dissoute par l'adrénaline. Il n'existait pas de joie plus totale et plus immédiate que celle de tuer. Même la simple idée de tuer était meilleure que n'importe quoi d'autre. »

Tristesse de la terre, Eric Vuillard, Actes sud, 18€


La vie de Buffalo Bill, à travers laquelle on découvre les coulisses du premier Show Business, « Le wild west show » .Comment l’Amérique parque son peuple premier tout en en faisant un véritable business. Eric Vuillard, à travers de multiples anecdotes, décrit comment l’histoire indienne de l’Amérique a été complètement tronquée et remodelée pour plaire aux masses populaires venues voir par milliers "Le wild west show"…. Venir voir et aussi haïr les Indiens.
Un livre avec une certaine empathie avec une belle écriture claire et sans fioritures. Une auto critique de l’humanité et de sa fascination pour le spectacle de masse.

 La malédiction du bandit Moustachu, Irina Teodorescu, Gaïa, 17€

 

L'histoire d'une famille qui défile au fil des pages et des lignes. L'histoire des Marinescus, maudits à jamais par la faute de leur ancêtre Gheorges. Celui-ci propose d'aider le bandit moustachu -véritable Robin des Bois – en le cachant dans sa cave. Mais l’appât du gain est trop fort et il l'enferme pour connaître l'endroit où est dissimulé le butin du fameux bandit en échange de la libération de celui-ci. Gheorges Marinescu ne respectera pas sa parole. Avec une habileté déconcertante, l'auteur jongle de narrateur en narrateur à travers les chapitres, ce qui rend son écriture si originale et rafraîchissante. Ce changement de narrateur dans le même chapitre peut surprendre au début mais c'est tout l’intérêt de l'écriture de l'auteur, outre le côté loufoque des personnages et de leurs surnoms ridicules ! Pour passer un bon moment !


Capitaine Paul Watson, entretien avec un pirate, Lamya Essmlali, Glénat, 22€


coup de coeur Tatiana

Extrait : Je débattais un jour avec un baleinier norvégien et celui-ci m'a dit : « Watson, comment pouvez-vous dire que les baleines sont plus intelligentes que les gens ?! » J'ai répondu : « Eh bien, il se trouve que je mesure l'intelligence d'une espèce en fonction de sa capacité à vivre en harmonie avec le monde naturel et selon ce critère, les baleines sont bien plus intelligentes que nous. » Il a rétorqué : « Mais suivant ce critère, les cafards sont plus intelligents que nous ! » Je lui ai dit : « Georges, tu commences à comprendre ce que j'essaye de te dire. »

Les vents de Vancouver, Kenneth White, Le Mot et Le Reste, 16 € 



Magnifique voyage en bateau le long des côtes ouest américaines depuis Vancouver jusqu'à l'anchorage de l'alaska. Kenneth White nous entraine dans son sillage d'escale en escale, de port en port, il nous fait découvrir les personnages célèbres ou parfois oublié qui ont fait l'histoire de la côte nord ouest américain tel que les coureurs des bois et autres naturalistes tels que John Muir.

Un truc très beau qui contient tout, Neal cassady lettres 1944-1950, Finitude, 23€

coup de cœur  Romain

Pour la première fois en français les lettres de Neal Cassady, l'âme de la beat generation, le moins reconnus, et le plus déjanté. Mais aussi le frère de Sang de Kerouac et son moteur, son inspiration...


Neal Cassady écrit comme il conduit, une idée lui passe par la tête et il la couche sur le papier, véritable hyperactif littéraire d'une lucidité hors du commun. Une lecture qui ne vous laissera pas indemne.... Éternel insatisfait devant sa propre écriture, la plupart de ses lettres n'a pas survécu à sa propre relecture, celles qui ont été envoyées sont porteuses de perles !
"Je sais, pour avoir perdu pied pendant 5 ans – peu importe si c'était justifié ou non -combien on s'encombre d'un tas de trucs inutiles au point que fonctionner correctement ou atteindre ce qu'on recherche devient incroyablement difficile – la limitation – inévitable – de notre vision des choses semble toujours inversement proportionnelle à la force de caractère que l'on met dans le travail ."
« Évidemment, c'est moi qui conserve les droits exclusifs sur la grandeur sombre du moule. Tout ce qui conserve le parfum de la rose, la fleur du pommier, tous les fruits de la prairie et les vieux lacets finement tissés alliés aux billes verte des yeux, la pourriture infecte du foie de volaille, la bouillis pourpre du dégueulis, les kilomètres d'intestins gris, les trous du cul annelés de rouge, et le marron des paquets de merde, crée la chimie de mon âme ; scorie sans valeur destinée au royaume d'Hadès où on va vite se rendre compte que je ne suis pas combustible, alors on me balancera dans Sa forge où je croupirai pour l'éternité.

Mais le printemps s'en est allé, il m'a déserté brutalement dans un cataclysme. L’Été aussi s'est enfui, j'en ai peur, avec sa chaleur et son humide nostalgie. Le bref Été Indien est déjà bien avancé , mais devant moi se déploie encore l'Automne abondant, saison de la compréhension ! J'ai confiance en l'Hiver, ses plus puissantes tempêtes sont des rages froides dépourvues de passion ; aucune chaleur. L’Été Indien stimule la boutique aux souvenirs avec des réminiscences à la Proust, les germes du passé sont précieusement recueillis dans les recoins du cerveau où ils hibernent jusqu'à fleurir quand vient l'automne. Etc, mon vieux. »



« Bill à la frontière, Allen à l'asile, Hunckle en taule, Jack à Denver, Neal tout au bout du pays. Ici l'horizon c'est la mer. Je suis allongé à la lisière, l'Ouest absolu. Frénétique Frisco, oui Folle Frisco, oui, Funeste Frisco. Frisco de folie frivole, Frisco du rififi flippant. Frisco de La Fossilisation. Frisco : futur furieusement façonné. »



« Je suis un chasseur de visions malhabile galvanisé par les détails ironiques que mes pensées décèlent partout »



« Cher Jack, Il est absolument impossible de saisir et d'exprimer les choses dans leur intégralité, contrairement à ce que la plupart des critiques, voudraient nous faire croire. Beaucoup d’événements sont inexprimables, ils ont lieu dans une région de l'âme où aucun mot ne peut pénétrer ; la compréhension passe par l'âme.

Cette entrée en matière pour dire que mon écriture n'a pas de style propre, c'est plutôt une exploration encore informulée de l'intime. Quelque chose veut sortir ; quelque chose de moi qui doit être dit. Peut être que les mots ne sont pas ma voie. »









Des Hommes en devenir, Bruce Machart, Gallmeister 22€



Des hommes rongés par l'absence, par la perte d'un être proche. Des hommes au destin et cœurs brisés par la vie qui résistent et continuent leurs chemins. Ils ont en commun cette mélancolie teintée de nostalgie. Une narration très forte, qui subtilement vous fait prendre la place du personnage et qui pose la question fatidique du «  qu'auriez vous fait ?... » Bruce Machart avec ce magnifique recueil de 12 nouvelles démontre qu'il fait bien partie de cette génération d' écrivains américains brillants comme Lance Weller et David Vann. Des auteurs qui n'ont pas fini de nous surprendre et qui frappent fort, très fort.

Extraits:


« C' est pratiquement de l'instinct. Le périphérique 610, une boucle de soixante kilomètres, six bières chacun. La circulation de fin de journée devient plus fluide, vous posez cette annuaire bien comme il faut sur la pédale d'accélérateur et vous pouvez envisager un 110 km/h constant. Faites le compte, ça vous laisse 5 minutes trente par bière et , bon sang, si tout se déroule favorablement, vous avez encore soif quand vous rejoignez votre point de départ, au canal »

« Jimmy, il a plus de chemises de bowling que de plomb dans la cervelle, mais ça fait un bout de temps que vous le connaissez et quand une nana se met à rimer avec tracas, il ne tarde jamais à se pointer au volant de son pick-up. »


« Encore une de ces nuits de Houston, si chaude et si humide que vous pourriez accrocher des sachets de thé aux branches des arbres et les laisser infuser. »


Le dernier à être resté en Arkansas
« Depuis qu'elle est partie, j'ai passé des heures, exposé au froid, sur la véranda, à réfléchir à cette nuit-là et à me demander comment j'ai pu dire une chose pareille. Et quand le whisky me donne le courage d'être honnête avec moi-même, me vient le soupçon que la réponse à cette question est d'une laideur absolue, que je n'ai pas volé la façon dont elle me fusilla du regard et que j'ai méritée, par cette seule éruption de rage, la morsure de ces nuits que j'ai dû endurer, même des nuits comme aujourd'hui, où le reproche dans les yeux de la mère de Lonnie était aussi cinglant et glacial que celui que j'avais lu alors dans les yeux d'Anne. »

« J 'appellerais mon fils et quand il répondrait, je lui dirais que je vais lui envoyer un petit paquet, le vieux briquet que j'avais refusé de lui donner auparavant, ça et un peu d'argent de poche, et quand il me demanderait ce que je veux, je lui dirais : Rien. Je lui dirais : Rien, mon fils. Je ne veux rien du tout. Il y aurait comme un silence, un sifflement de parasites, notre respiration crépitant sur des centaines de kilomètres de lignes de téléphone givrées. Il ne me dirait pas merci. Je ne m'attendrais pas à ce qu'il dise quoi que ce soit, mais ensuite, je changerais d'avis. Il y a bien quelque chose, lui dirais-je. Comment ça va pour toi la-bas ? Je veux dire les cours ça va ? Parle-moi de toi mon fils. J'ai envie que tu me parles de toi. »



On ne parle pas comme ça au Texas

« _Qu'est-ce que t'as à la regarder comme ça ? Dit-il ? Allez petit okie. Bois. C'est une Lone Star que t'as là, et si y a jamais eu un petit jeunot de l'Oklahoma qu' a eu besoin de goûter à un liquide du Texas, c'est bien toi. »

Parmi les vivants, au milieu des arbres


« Ce sont des hommes rugueux et robustes, des hommes qui ont les mains calleuses comme du cuir, des hommes qui n'ont pas peur de garder un peu de tendresse dans leur poitrine et de l'exposer au grand jour quand la situation l'exige, quelle que soit la souffrance que cela implique.  Ce soir, ce sont des hommes-là et leur rire, ainsi que la morsure froide de la bière sur mes dents qui me rassurent[...] »

Sur la route again aux états-unis avec Kerouac, Guillaume Chérel, Transboréal 20€90

Coup de coeur Romain


Partir sur les traces d'un de ses auteurs préférés, on en rêve souvent, Guillaume lui l'a fait avec passion, engouement, détermination. Il a rencontré et côtoyé l'Amérique dont on ne parle pas assez, celle des « clochards célestes » et autres « vagabonds solitaires ».Vingt ans après avoir traversé l'Amérique sur les traces de Jack London, Guillaume Chérel repart à 40 ans sur les traces de l'autre Jack. Embarquez dans les Greyhound (bus américains) et découvrez l'Amérique d'aujourd'hui, celle d'Obama. Sur la route again est un voyage sur les traces de Kerouac mais est aussi une comparaison entre l'Amérique des années 50 et l'actuelle. Un récit cru, épique, et sans concession dans l'esprit et la forme de l'écriture automatique chère à Kerouac. 

 Extraits

La génération actuelle n'a plus envie de grand-chose, même pas de voyager, ni d'espérer. Elle veut juste planer, s'amuser, boire, manger, jouer aux jeux vidéo, consommer, gagner vite de l'argent...pour bien s'habiller. Elle veut dormir longtemps. Déjà fatiguée de vivre.


Steve, lui, Afro-Américain de 40 ans, raconte qu'il s'en sortait jusque-là en cultivant son potager, mais que ça ne suffit plus : «  j'ai été viré de Good Years « Bonne année »... tu parles d'un nom ! Je passais ma vie à travailler, à dormir, à voyager pour aller travailler puis à dormir. Pas de petite amie, rien que la télé, le base-ball et la bière ! » Ainsi va l'American Way of (Fucking) life. On se plaint pas, on subit.




La route, c'est une aube qui n'en finit pas. Le bonheur de prendre la route, c'est de tout faire à nouveau comme si c'était la première fois. On a coutume de dire que seul le voyage compte. Que la destination importe peu... Ce n'est pas mon avis. L'action de voyager en elle-même ne m'intéresse pas tant que ça. C'est le vertige du dépaysement qui me vrille les neurones et me donne l'impression de renaître à chaque fois. Tous les sens en éveil, à chaque destination... A chaque arrêt sur image. De nouvelles odeurs. Architectures, etc. A chaque fois que j'arrive quelque part, je me dis : des gens que je connaissais pas vivent ici. J'aimerai les connaître tous ! Partout.



Il y eut de la bruine et de la pluie et du mystère dès le début du voyage au Mexique. J 'étais aux anges, décidément... Je savais que je laissais derrière moi le désordre (les dettes) et l'absurdité (de cette société basée sur le fric, les rapports de pouvoir, etc.) et que je remplissais ma noble et unique fonction dans l'espace et le temps : le mouvement. Et pour me mouvoir, je me mouvais. Quinze mille kilomètres parcourus, au moins, depuis mon premier pas à New York. Je ne comptais plus. La pureté de la route. Et cette ligne blanche au milieu de l'autoroute qui se déroulait et léchait les pneus de mes bus à l'infini, comme si elle collait à l'étrave d'un navire.






Chroniques de l'Occident nomade, Aude Seigne, Zoe poche 9€00

coup de coeur de Romain

 
Une perle du récit de voyage écrit au féminin et qui n'a rien à envier au plus grands voyageurs tel que Bouvier pour lequel elle ne cache pas son admiration. Contemporaine, elle a une façon de décrire les choses les plus simples en les rendant si particulières. Un petit chef d’œuvre rafraîchissant.


« Je bois mon capuccino, ce moment, ces minutes. Les passants marchent lentement. Dimanche. Leurs pulls épais reçoivent ces quelques gouttes avec beaucoup de tendresse. Il fera beau plus tard. Les rayons jaunes et obliques d'octobre brilleront sur les pavés humides. On se mettra prudemment en chemise sur les terrasses. La rue principale glissera. On prendra deux cafés au lieu d'un parce qu'on s'attardera un peu. Dimanche. Les pieds de nez à la vie, au temps qui passe. La Vénus d'Urbino s'allonge dans ma tête. Elle me tourne le dos. Rien à voir avec cela me dit-elle. Le café, un dimanche, à contempler la pluie. »

« J'allais écrire qu'il y a beaucoup à dire sur le lien aimer-voyager. Mais il y a également beaucoup à dire sur lire-voyager, sur écrire-aimer et donc sur lire-écrire-aimer-voyager. »

« Quand on part, on ne pense qu'à cela : partir. Quand on part, on quitte le monde pour un petit moment. Le monde continue sans nous et ne s'aperçoit même pas de notre absence. C'est d'un délice infini. On n'est nulle part parce qu'on est partout. Dans le passé, dans l'avenir, dans nos souvenirs, dans nos rêves, dans notre imagination. Ce sont des moments où la liberté frise la mort. On existe à peine. Mais du peu qu'on existe, c'est la félicité seule qui nous remplit. »


Histoires d'ici et d'ailleurs, Luis Sepulveda, Points, 5€70




De la politique à l'écologie en passant par un vol en avion au dessus de la Patagonie, un chien punk qui détecte la police et bien d'autres histoires encore, Luis Sepulveda nous livre son Chili à travers ses rencontres, et ses vingt cinq histoires. Une très belle entrée en matière pour découvrir l'univers et l'écriture de Luis Sepulveda.

Ils en parlent comme d'un jeu innocent. Ils tapent sur l'épaule de Pablo et le déclarent meilleur « renvoyeur » de grenades lacrymogènes.

_Tu n'avais pas peur, Pablo ?

_ je ne sais pas. Moins que les Palestiniens de l'Intifada. Et puis ça sert à quoi d'avoir peur ? Moi je ne veux pas vivre...

Garrido le Fou secoue la tête en entendant ces paroles. Il a envie de dire quelque chose mais le regard impérieux de Pablo qui a seize ans et qui ne veut pas vivre, croise celui du champion prématurément vieilli et l'oblige à se taire.

_Et toi, Cécilia, tu es d'accord avec Pablo ?

Cécilia a dix-sept ans. C'est une jolie fille. Elle balance son corps bien fait sur des chaussures aux talons usés et cherche ses mots.

_Je ne sais pas, avant je rêvais de vivre. Je rêvais de toutes les belles choses que je pourrais faire quand je serais grande. Maintenant, je ne rêve plus. Maintenant, j'ai peur de rêver et, quand ça m'arrive, ça me met en colère, les rêves sont des mensonges.



J'ouvre la porte et je vois un jeune homme auquel il ne manque plus que le chapeau de Baden Powell pour ressembler à un scout. Il déclare aussitôt qu'il ne demande ni argent ni nourriture, juste des livres, car dans son quartier, ils sont en train de créer une bibliothèque. Après quoi il montre divers documents prouvant sa qualité de biblio-volontaire dans une commune pauvre de Santiago.

Il emporte avec lui Cavalerie rouge d'Isaac Babel, un roman d'Andrea Mateo Sagasta, Voleurs d'encre et deux de mes livres. Je le regarde s'éloigner, convaincu et décidé. Cet agitateur de la lecture, ce dangereux combattant de la culture n'a pas plus de quinze ans et me rappelle moi quand j'avais son âge.

_Tu pleures ? Me demande ma compagne.

_Oui, je pleure parce que tout n'est pas perdu.


L'attaque à main bénite est une façon de voler beaucoup plus sophistiquée et requiert une collaboration institutionnelle, directe ou indirecte. Il y a quelques jours, j'ai été victime de ce genre d'attaque, et moi, un mètre quatre-vingts, pas loin de cent kilos et ceinture noire de karaté, je n'ai pas opposé la moindre résistance, je le reconnais avec amertume, et je lèche encore les blessures causés par cette humiliation...



Salvador Allende a dit un jour, avec raison, que nous étions un pays notarial. On faisait confiance et on croyait à l’égalité parce qu’on la pratiquait. Tous les jours, dans un bar quelconque, quand deux poivrots se disputaient, l’un disait soudain à l’autre : « Tu es un imbécile ». Et la réponse invariablement était : « Tu vas me répéter ça devant un notaire ».




La vallée seule, André Bucher, Le Mot et le Reste, 16€
Coup de coeur Romain rentrée littéraire 2013
"...c'est fou, tout de même, le nombre de personnes seules qui vivent dans cette vallée. Tu as une explication?

- Il n'y a pas qu'elles, le monde entier est en train de devenir seul."

Coup de cœur de la rentrée littéraire de Romain

Pas besoin d'être un auteur américain pour écrire du nature writing, André Bucher nous le prouve ici dans ce magnifique récit écrit dans la plus pur lignée des écrivains de grands espaces.
La vallée seule c'est l'histoire d'un territoire quelque part entre le Ciel et la terre, et de son intimité, de ses habitants, de sa faune et des saisons qui passent et repassent. Qu'importe sa localisation, auvergne, ardèche, vosges, pyrénées et pourquoi pas les monts d'Arrée, cette vallée est coupée du monde. Elle est seule tout comme ses habitants qui s'entraident ou se disputent.
A vous de choisir le personnage principal, Gisèle l'institutrice atteinte d'un cancer, Raoul le patron du bistrot qui revêt la soutane lorsqu'il le faut, Alain l'ex acrobate reconverti en guide de chasse, à moins que ce ne soit le Cerf !


http://www.franceculture.fr/emission-du-jour-au-lendemain-andre-bucher-2013-11-26

page 24:
"Il manquait à ce pays un manuel d'instruction civique. En tout cas, quelque document un peu plus explicite qu'une table d'orientation. L'hiver, parfois, la neige et le froid s'ingéniaient à ralentir les mouvements. Même la mécanique laborieuse du temps s'enrayait, les horloges prenaient du retard sur les montres. Plus aucun portable, ordinateur, relais de communication ne fonctionnait. La seule radio continuant d'émettre était la tronçonneuse. Dès qu'on l'entendait rugir, on repérait l'endroit à la hâte, vérifiant de fait qu'untel était encore valide. Puis on percevait le bruit d'un autre engin, cette fois dans le sens inverse. Et ainsi de suite. Une façon imparable de se compter de temps à autre, car d'habitude, dans ce pays, l'on ne départageait point les vivants des morts. Il n'y avait qu'aux enterrements où l'on tenait de réfléchir en éloignant ceux qui s'en vont de ceux qui restent."
page 36:
"Une eau de fonte, forte et dure, entrechoquait les pierres. Elle cascadait du haut d'un amas de rocher pour s'abîmer, engloutie dans une faille verticale, sur une vingtaine de mètres avant de ressurgir, bouillonnante de fureur et d'achever sa trajectoire dans le déversoir d'un captage. Le soleil baignait encore le flanc arrondi de la montagne. Une pâle lumière se hasardait, elle s'égouttait doucement sur les sommets enneigés."

Page 157:
"Novembre. L'automne est grippé. Les nuages, les ailes déployées, planent en survolant les crêtes. Ils se succèdent en silence et transportent de la neige en abondance dont ils se délesteront pendant la nuit. En attendant, à l'étage en dessous, les ombres se reposent et respirent, alanguies. A peine remuent-elles, de temps à autre, dans l'obscurité quand la lune joueuse les agace.

A présent, elles se déplacent vers la rivière luisante et s'étendent le long de son méandre lumineux, ne laissant transparaître qu'un mince fil d'argent. L'hiver tend ses pièges à l'avance, aussi le gel et la neige sortent leurs mâchoires. Si la première morsure se répand, l'hiver ne désemplit point. Si elle se résorbe rapidement, le temps reste incertain."




Compagnie K, William March, Gallmeister, 23€10

coup de cœur rentrée littéraire 2013 (Romain)
 
Original de par sa forme, pas d'index ici mais un tableau des effectifs où chaque chapitre correspond à un militaire qu'il soit simple soldat, officier gradé. De par son fond, il n'existe que très peu d'ouvrages traitant de la participation américaine sur le front français de 14/18. Le roman de William March nous plonge directement à l'intérieur de la Première Guerre Mondiale et l'horreur de ses tranchées. L'auteur qui a participé à cette guerre nous livre ici une version brut et sans modération à partir de témoignages fictifs mais néanmoins terriblement plausibles. Un livre touchant sur cette guerre de tranchées mangeuses d'hommes et les traumatismes qu'elle a engendrés.

Extraits


Bizarrement, la vue de cette étendue verte et lisse m'a rappelé les anciens champs de bataille que j'ai vus...On reconnaît toujours un ancien champs de bataille où beaucoup d'hommes ont perdu la vie. Le printemps suivant, l'herbe sort plus verte et plus luxuriante que dans la campagne alentour ; les coquelicots sont plus rouges, les bleuets plus bleus. Ils poussent dans le champ et sur le flanc des trous d'obus et ils s'inclinent à se toucher presque au-dessus des tranchées abandonnées, un tapis de couleur qui ondule sous le vent tout le long du jour. Ils enlèvent à la terre éventrée ses béances et ses plaies et lui redonnent une surface douce et vallonnée.


J'aimerais que les types qui parlent de la noblesse et de la camaraderie de la guerre puissent assister à quelques conseils de guerre. Ils changeraient vite d'avis , parce que la guerre est aussi infecte que la soupe de l'hospice et aussi mesquine que les ragots d'une vieille fille.

Le Roman de Boddah, Héloïse Guay de Bellissen, Fayard (19€)
 
coup de cœur Romain
Quand la génération Nirvana romance la vie de Kurt Cobain, on obtient forcément un livre brut et doux à la fois, violent, choquant et parfois tendre comme les chansons de Cobain à l'image de Heart shapped box...Le narrateur ici n'est autre que Boddah, l'ami imaginaire de Kurt Cobain. Depuis sa rencontre avec Courtney Love et le succès de Nevermind au fameux MTV unplugged, en passant par le fameux live à Nulle part ailleurs, Boddah nous raconte tout de l'intérieur, entre romance et fait réel, on a vraiment l'impression d'y être... Une véritable plongée dans les années 90 pour les ados de la génération Nirvana, devenus trentenaires aujourd'hui.
Extraits
page 15

"Voilà ce que je suis: je suis le produit imaginaire d'un gosse chétif né dans une ville de bûcheron nommée Aberdeen. Je suis le bon génie d'un orphelin de l'amour-propre, je suis le terrain vague d'un gamin sans jardin d'enfance, et qui a une balançoire à la place du coeur, je suis l'ami parfait puisque je ne peux pas baiser sa femme, je suis lui, et lui est moi. Nous nous appartenons. Nous sommes."

page 66 :
« C'est Noël et aux États-Unis, il se passe une chose incroyable dont les journaux ne parlent pas. Ils cachent l'information trop énorme. Tous les gamins du pays ont la rage contre le père Noël. Ils ont tous eu des disques avariés en guise de cadeaux et digèrent mal l'affront. Ils se dirigent en masse vers les magasins pour les échanger. Tous avec les mêmes gestes,les mêmes mots et la même intention. Peter, douze ans, arrive en courant à la caisse «  Je voudrais ce cd de Bruce Springsteen, c'est d'la daube ! Je veux Nevermind ! »la vérité n'a qu'une alternative, soit elle sort de la bouche des égouts, soit de celle des enfants. »

p102 :
"Hum, l'hôpital, lieu de naissance et de la mort. Ou de la guérison, oui ça va, je sais être optimiste. Mais quand même, soyons pragmatique, votre corps est une bagnole plus ou moins entretenue. Le coup de la panne vous pend au nez ; alors on vous rafistole. Plus ou moins bien."



Little Bird, Craig Johnson, Gallmeister, dispo en poche (10€00)


Premier volet des aventures de Walt Longmire, shérif solitaire souhaitant avant tout terminer sa carrière dans la plus grande tranquilité. Seulement voilà, quand on retrouve le cadavre de Cody Pritchard, tout le monde peut bien penser que la terre se portera bien mieux sans cette ordure, Walt Longmire est tout de même obligé d'enquêter. Un roman savoureux qui mêle humour noir, enquête et découverte des grands espaces.

Coup de coeur de Tatiana


Premier sang, David Morrell, Totem (Gallmeister) 10€00

Rambo. Compliqué, préoccupé, obsessionnel, trop souvent incompris. Si vous avez entendu parler de lui et que vous ne l'avez pas encore rencontré, il est sur le point de vous surprendre. David Morrell.


Coup de cœur de Romain:

Oubliez le John Rambo que vous avez vu sur les écrans et laissez vous envahir par l'écriture sous tension de David Morrell. Un suspens et une lecture haletante à vous coupez le souffle. Un livre à dévorer d'une traite.




Quelques extraits:
 

  "C'est mon droit de décider si je veux rester ou pas. Personne ne peut décider de ça à ma place.
Mais ce flic est plus sympa que les autres avant. Plus correct. Pourquoi aller l'emmerder ? Fais ce qu'il te dit. C'est pas parce que quelqu'un me tend un sac de merde avec le sourire que je vais l'accepter. J'en ai rien à foutre qu'il soit sympa. C'est ce qu'il fait qui compte.
Mais, c'est vrai que t'as une sacrée dégaine, comme si t'allais faire des histoires. Là-dessus, il a raison. Mais moi aussi j'ai raison. C'est la quinzième putain de ville où ça m'arrive. Cette fois, c'est la dernière. Pas question que je me fasse éjecter encore une fois bordel. Pourquoi ne pas lui raconter tout ça ? Te nettoyer un coup ? T'en aurais pas un peu envie de tous ces ennuis qui vont te tomber dessus ? T'as besoin d'action, c'est ça ? Comme ça tu pourrais lui montrer que t'en as ?
Je n'ai pas à m'expliquer, non, pas plus à lui qu'à quelqu'un d'autre. Quand on est passé par où je suis passé, on n'a d'explications à donner à personne."


"Alors vas-y, bouge, finis-en, se dit-il.
Mais il restait assis là sur la corniche, dans les ténèbres, écoutant au-dessous de lui le grondement de l'eau. Il savait l'effet que ce bruit avait sur lui, ce grondement monotone qui l'abrutissait et qui l'entraînait peu à peu irrésistiblement,vers le sommeil. Il secoua la tête pour se réveiller et prit la décision de retourner avec les chauves-souris tant qu'il en avait l'énergie, mais il ne pouvait pas bouger ; l'eau continuait, assourdissante, étourdissante, et quand il s'éveilla il était de nouveau tout près du rebord, un bras pendant dans le vide.
Mais il était ivre de sommeil et, cette fois, le danger d'une chute le laissait presque indifférent. Il était trop fatigué pour s'inquiéter. C'était si voluptueux d'être couché ainsi, bras ballant dans le vide.
Son corps engourdi n'éprouvait aucune sensation, il ne sentait même plus ses côtes."







Dernières nouvelles du sud , Luis Sepulveda, Daniel Mordzinski, le points aventure, 6€30 (coup de coeur de Romain)
Si vous aviez envie de Patagonie vous serez servit !



Découvrez la Patagonie à travers les textes de Luis Sepulveda et les photographies de son "socio" - Daniel Mordzinski- . Des personnages plus épiques les uns que les autres, des paysages à vous coupez le souffle, l'auteur dresse ici une série de portraits de la Patagonie époustouflant.
Dernières nouvelles du sud fait partie des livres où à chaque nouvelle page on a envie de souligner des paragraphes entiers...
Quelques extraits qui parleront d'eux même...
"se hâter est le plus sûr moyen de ne jamais arriver, seul les fuyards sont pressés" devise Patagon
"Les premiers habitants de Patagonie utilisèrent la quila pour soutenir les peaux de guanaco de leurs tentes, les rucas, mais aussi pour fabriquer les lances qui freinèrent l'avance de nombreux régiments de cavalerie pendant la Conquête. Plus tard, en 1880, quand on commença à coloniser le grand territoire austral et que la presse britannique fit remarquer non pas la fragile beauté de ce monde mais son potentiel économique qui induisait "la triste nécessité d'anéantir les barbares", les lances de quila ajoutées aux flèches et aux boleadoras affrontèrent de nouveau les envahisseurs mais, cette fois, elles furent vaincues par le plomb et les arguties juridiques des usurpateurs avides de terre qu'ilsn'aimeraient jamais, de richesses qui engraisseraient les banquiers d'Europe et d'un prestige que l'histoire n'a pas encore commencé à juger."
"En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèle aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs. Nous avons fait trois kilomètres au pas en comptant sur l'éternelle solitude des chemins jusqu'au moment où les nuages se sont trouvés légèrement au-dessus du véhicule, et la lumière passant à travers ce filtre d'humidité a alors donné aux choses un ton vert-gris inquiétant."
"Alertée par les aboiements d'un chien, une vieille dame est sortie sur le seuil de la porte. Elle était petite car les années nous font rapetisser et nous rapprochent, avec une implacable compassion, de l'étreinte définitive de la terre. Elle nous a fait signe d'approcher et nous lui avons obéi.
L'intérieur de la maison avait la sobriété qui est l'apanage d'une vie solitaire. Le feu allumé et engageant, la bouilloire noircie posée près des braises pour que l'eau reste chaude mais sans bouillir, une quenouille, une corbeille pour la laine déjà cardée et trois petits bancs de bois. Sur les murs, un almanach, une gravure de la vierge de Lujan et une phot d'elle, dans sa jeunesse, aux côtés d'un homm sérieux et cérémonieux."



"Pour définir la capacité des armes on parle de pouvoir de destruction. Pour définir la capacité de destruction de certains hommes il faut parler de pouvoir d'achat. Celui de Rambo visait précisement les terres où dona Delia vivait sa longévité féconde aux côtés de son chien, de ses moutons, de ses herbes miraculeuses, de ses fleurs aux parfums sauvages et de ses fruits aux saveurs séculaire et sacrées."




Le plus petit baiser jamais recensé, Mathias Malzieu, Flammarion 17€50


"Avant l'aventure avec la fille invisible, j'avais perdu la guerre mondiale de l'amour. Je n'avais ni compris ni accepté ce qui m'était arrivé. Depuis mon passé décomposé était bloqué dans mon présent, et les fantômes prenaient plus de place dans mes bras que les êtres vivants."


"J'aimais sentir que je lui ressemblais, mais son miroir me renvoyait également l'image du monstre que j'étais devenu. Ce déçu jusqu'à l'os trimbalant son cœur dans une boîte, ce puzzle ambulant qui semait ses pièces chaque jour en acceptant de ne plus les retrouver. On descend parfois si loin sous terre que même l'idée du bonheur effraie. Les yeux du cœur s'habituent à l'obscurité et même la plus douce des lumières devient aveuglante. Je ne savais pas si j'étais capable d'affronter toutes ces peurs. Mais je sentais poindre en moi une nouvelle forme de désir."


"Le problème c'est que ma tête n'est jamais reposée. Mon cerveau est une maison de campagne pour démons. Ils y viennent souvent et de plus en plus nombreux. Ils se font des apéros à la liqueur de mes angoisses. Ils se servent de mon stress car ils savent que j'en ai besoin pour avancer. Tout est question de dosage. Trop de stress et mon corps explose. Pas assez je me paralyse. Mais le démon le plus violent, c'est bien moi. Surtout depuis que j'ai perdu la guerre mondiale de l'amour. Je suis devenu un putain de sapin de Noël de janvier toute l'année, du genre qu'on abandonne sur les trottoirs après l'avoir dépouillé de tout ce qu'on lui avait donné."


"Avant d'en arriver là, j'avais par amour accepté de couper mes racines. J'avais quitté ma forêt sauvage pour devenir un arbre domestique. J'avais appris à devenir heureux en appartement avec mes guirlandes électriques pleines de faux contacts. J'avais connu la joie « longue focale » de la projection. La grande aventure d'une certaine normalité. L'ordre des choses. Les plans de chimie amusante, celle qui changeait les rêves d'enfants en rêves d'avoir des enfants. Et c'est l'intensité folle de cet espoir détruit qui me plombait aujourd'hui."

B comme Bière, Tom Robbins, Gallmeister, 8€90

Du bonheur à l'état brut !
 
Tom Robbins nous transporte dans l'univers d' Alice au pays des merveilles ramené au monde de la plus ancienne boisson alcoolisé: la Bière. Un conte farfelue et rigolo qui vous procurera une lecture plaisante même si vous n'êtes pas amateurs de bière. Une lecture qui enchantera autant les petits que les grands.

A lire et relire sans modération !


Plogoff, Delphine Le Lay / Alexis Horellou, Delcourt, 14€95


Plogoff la bande dessinée …



A l'heure de Notre Dame des Landes et de son inutile projet d'aéroport, il est bon de se rappeler au souvenir le scandaleux projet de la centrale nucléaire de Plogoff. En 1975 le site de Plogoff est retenu pour la construction d'une centrale nucléaire sur une faille ! S'en suivra une résistance et une contestation de la part des habitants de la commune ainsi que de toute la Bretagne.
Beaucoup d'encre à couler depuis, des documentaires ont été tournés, mais jusqu'ici aucune bande dessinée, c'est désormais chose faite !

« Le tireur » Glendon Swarthout, Gallmesiter, 9€50

« Tissez un cercle autour de lui trois fois

Fermez vos yeux frappés d'une terreur sacrée

Il s'est nourris de Miellée

Il a bu le lait du paradis »


Un western incontournable ou la disparition d'un des derniers tireurs. Atteint d'un cancer le célèbre J. B. Books sait qu'il ne lui reste plus longtemps à vivre. Son arrivée en ville et la nouvelle de sa maladie font des émules. Qui abattera le célèbre Tireur ? Mais c'était sans compter sur J.B. Books, il n'a pas dit son dernier mot.


Si il n'y avait qu'un western à lire....



Glendon Swarthout (1918-1992)


Un an de cabane
Olaf Candau - Éditions Guérin, 14€
Livre broché, souple - 216 pages. Dimension (en cm) : 2 x 12 x 17. Edition 2004 .

Equipé d'une scie, une hache et un fusil, Olaf Candau décide de construire une cabane à la force de ses bras dans le Yukon. Il y restera un an à chasser et pêcher. Un an de vie, de la vie la plus simple qui soit.

Des portraits saisissant des personnalités locales.

Extrait:
La solitude, c'est une vie intérieure.
La solitude en société est souvent pénible alors qu'en un lieu isolé, elle engendre une vie plus intense. Elle est enrichissante si on la choisit, mais pénible si on la subit.
 Disponible sur commande



     Les Dormants de Munoz Jonhatan 19€85...
    

Jean est amnésique, il arrive par hasard au bout du monde, un drôle de village. Dorine est seule, tous les gens qu'elle rencontre s'endorment instantanément à son approche... Tous sauf Jean...




« Et si la belle au bois dormant n'avait pas sommeil... Et si c'était les autres… »

Un conte qui rappelle la mécanique du coeur de Mathias Malzieu.
Une bande dessinée sublime de par la simplicité des traits et l'utilisation de peu couleurs. On est totalement aspiré par cet univers  attachants aux teintes monochromes allant du violet au sépia.

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain tesson, Gallimard, 18€20
disponible en folio, 7€20



Six mois dans une cabane sur les rives du Lac Baïkal, des livres, de la vodka, du thé, pas d'internet, pas de télévision. Seul avec soi même. Une réflexion sur la société de consommation, sur l’ermitage et les hommes de la Sibérie. Un livre ou l'on a envie de souligner toutes les phrases...
Que dire de plus, à part que cet essai restera une référence dans le nature writing au même titre que le fameux Walden ou la vie dans les bois de Thoreau.

Quelques extraits qui parleront mieux du livre que n'importe quel résumé!


" L'Homme libre possède le temps...En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain on ne sait même plus qu'il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont. "


Aux antipodes, les diktats de Paris " tu auras une opinion sur tout! Tu réponderas au téléphone! Tu t'indigneras! Tu seras joignable!"
Credo des cabanes: ne pas réagir... ne jamais rebondir... ne pas décrocher... flotter légèrement saoul dans le silence neigeux ...s'avouer indifférent au sort du monde... et lire les Chinois.



"L'homme des bois est une machine de recyclage énergétique. Le recours aux forêts est recours à soi même. Privé de voiture, l'ermite marche. Privé de supermarché, il pêche. Privé de chaudière, son bras fend le bois. Le principe de non-délégation concerne aussi l'esprit: privé de télé, il ouvre un livre."









Wilderness, Lance Weller, Gallmeister
Format Totem 10€60 disponible !
Grand Format 23€60 (sur commande)

Mélange entre nature writing et roman historique, Wilderness nous plonge brutalement et sans concession dans l'horreur de la guerre de sécession. A travers les descriptions poétiques du grand ouest américain et la violence des affrontements entre sudiste et nordiste, Lance Weller nous fait découvrir une époque charnière de l'histoire américaine souvent méconnue en Europe.

Extraits
p90 :
L'air était doux, mais le chien était étendu tout près de lui, à côté du feu. Les étoiles apparurent au-dessus de l'océan en fines gerbes de lumière, ainsi que la lune, et bientôt la mer lisse et sombre se mit à étinceler de tous les reflets lumineux. Comme s'il y avait un deuxième ciel avec une deuxième lune, et le vieil homme regarda vers le large, se demandant s'il allait voir un second lui même émerger des flots et si c'était le cas qu'est ce que ce second lui même aurait appris de plus que lui.
p134/135 :
Comment les choses s'étaient passées cet après midi là, à Gettysburg, quand le monde avait basculé et qu'ils avaient ressenti ce basculement, comme si la Terre elle même avait été secouée jusqu'en son centre, et peut être bien qu'elle l'av...ait été. Ce jour-là. La Grande Charge de Pickett. Quand ils s'ébranlèrent, la terre se mit à frémir, pleine de leur bruit. La Terre, et les semelles des chaussures, et les pieds nus de ceux qui regardaient et de ceux qui y participaient. De tous ceux qui traversaient les champs et qui, pour continuer à pouvoir se dire des hommes, ne pourraient jamais renier ni oublier tout ça.
p166 :
Regardez, vous ne pouvez pas vous en empêcher. Regardez, et vous verrez des hommes morts ou blessés, des hommes fracassés ou brûlés. Des hommes debout qui se battent, une sinistre détermination se lisant sur leur visage figé comme s'ils avaient découvert en eux des choses avec lesquelles il sera difficile de vivre, plus tard, et des hommes effrayés à en perdre la raison, étendus face contre terre, pleurant dans l'herbe. Des soldats de l'Union qui battent en retraite dans le champ des hurlements, et des masses de soldats des deux camps, étendus, serrés les uns contre les autres dans le fossé humide, entre les lignes, se passant et se repassant des bouteilles.
p214 :
    Leurs visages, tandis qu'ils l'observaient. Elle: pleine de sentiments maternels et rendue muette par un chagrin qui durcissait les traits autour de sa bouche mais que tempéraient ses yeux en amande étonnés. Lui : silencieux et frémissant ...d'un courage nouvellement forgé qui laissait sa haine se manifester dans ses poings serrés et gonflait les veines de ses avant-bras. Ensemble, ils se levèrent, sans se toucher et ils observèrent la scène tandis qu'Abel tombait à nouveau sur la route et, cette fois-ci, ne se relevait pas.
une très belle couverture de la version originale

La Route Bleue ,Kenneth White, Le Mot et le Reste, 17 €


Pérégrinations de Kenneth White entre Montreal et la Baie d'Ungava en quête du Labrador.
Un vrai récit de voyage, entrecoupé d'extraits de ses lectures et de passages sur l'Histoire Indienne entre contemplation de la nature et une recherche sur l'humain et les croyances.Une oeuvre riche de part son contenu et de part sa forme, le récit commence sous forme d'un carnet de voyage avec un style propre à la géopoésie, et qui se termine en poème.


L'or des fous Vies, amours et mésaventures au pays des Four Corners, Rob Schultheis, Gallmeister, 22€90



L'évolution d'une ville minière des Four Corners (ouest americain) à travers l'écriture d'un baroudeur. Arrivé à " To hell you ride" Telluride dans les années 70 en mini van Volkwagen, Rob Schulteis nous livre des instantanées de cette ville minière se métamorphosant en station de ski pour riches américains. Découvrez cette ville et son évolution à travers les histoires d'amours, ses escapades montagneuses et autres histoires de fantômes et d'indiens retranscrite par cet écrivain au style libre.



 Vespertilio, Jean Jacques Philip, les ateliers de Porthos édition, 14€

Dans un futur pas si lointain et terriblement d’actualité, les apprentis sorciers scientifiques et sans éthique manipulent le génome, qu’il soit humain ou animal. On le bricole dans tous les sens…dans le but de guérir certaines maladies comme le diabète…Cela n’est pas sans conséquence…Des maladies apparaissent, des enfants sont atteints du syndrome de vespertilio, et à chaque fois qu’un scientifique ou un journaliste enquête, celui-ci disparaît mystérieusement…
L’auteur mélange astucieusement sciences et chamanismes pour nous distraire. Un sujet  qui nous emmène de la Bretagne à l’Egypte en passant par le Groenland et la Chine tout en nous faisant réfléchir sur l’éthique et les dérives que les manipulations génétiques impliquent.
 










 Blast de Manu Larcenet




Blast: “C’est un mot anglais difficilement traduisible… Ca correspond à l’effet de souffle, l’onde de choc d’une explosion… Une explosion, c’est une onde de surpression… Si elle se propage plus vite que le son et qu’elle entre dans votre corps, elle provoque des dégâts internes considérables… Vous vous retrouvez alors avec cette surpression d’un côté et la pression atmosphérique de l’autre… Suspendu pendant une fraction de seconde, détruit de l’intérieur avant même que la chaleur ou les débris ne vous atteignent… Le blast, c’est cet instant-là.”



Tome1: Grasse Carcasse 22,50€



Plongé dans l’univers noir et blanc de Manu Larcenet à travers Blast, original de par son format (200 pages). Dès les premières pages, on est saisi par la qualité graphique des dessins : le dessinateur retranscrit l’ambiance noir et blanc avec une grande maitrise. Manu Larcenet nous entraine dans une histoire haletante qui offre une vision assez noire de la société et pourtant terriblement réelle.


Polza Mancini est écrivain gastronome, à la mort de son père il plaque tout pour partir à la recherche du Blast, état extatique proche du Nirvana. Oui mais voilà, il est arrêté pour un crime…Mis en garde à vue, monstrueux et répugnant d’aspect il a tout du coupable désigné, il ne manque plus qu’un aveu. Polza raconte aux enquêteurs tout depuis la mort de son père jusqu’à son premier Blast…
Blast, tome 2
Blast tome 2: l'apocalypse selon Jacky 22,90€


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