mercredi 19 août 2015

Rentrée Littéraire, première vague



 
Cassandra, Todd Robinson, Gallmeister (collection neonoir), 17€50 traduit par Laurent Bury)


Boo et Junior forment à eux deux une belle équipe de bras cassés, au bas mot 250 Kg et 10 000$ de tatouages. Amis inséparables depuis l'orphelinat, ils sont videurs au Cellar, bar miteux de Boston .
Ils ne font pas dans la dentelle et se complaisent dans leur rôle de gros durs et de grandes gueules (et pourtant plein d'empathie). C'est pourtant eux qu'on va embaucher pour retrouver la fille du procureur qui se présente aux élections.
Todd Robinson a utilisé son expérience de barman et de videur pour nous entraîner dans le monde des bars de nuit, en nous faisant découvrir des personnages attachants et authentiques. Une histoire rythmée comme un combat de boxe et pleine de rebondissement, avec en prime des dialogues digne de Michel Audiard. Divertissement et humour noir assurés.





Boussole, Mathias Enard, Acte Sud, 21€80

La nuit descend sur Vienne et sur l’appartement où Franz Ritter, musicologue épris d’Orient, cherche en vain le sommeil, dérivant entre songes et souvenirs, mélancolie et fièvre, revisitant sa vie, ses emballements, ses rencontres et ses nombreux séjours loin de l’Autriche – Istanbul, Alep, Damas, Palmyre, Téhéran… –, mais aussi questionnant son amour impossible avec l’idéale et insaisissable Sarah, spécialiste de l’attraction fatale de ce Grand Est sur les aventuriers, les savants, les artistes, les voyageurs occidentaux.
Ainsi se déploie un monde d’explorateurs des arts et de leur histoire, orientalistes modernes animés d’un désir pur de mélanges et de découvertes que l’actualité contemporaine vient gifler. Et le tragique écho de ce fiévreux élan brisé résonne dans l’âme blessée des personnages comme il traverse le livre.
Roman nocturne, enveloppant et musical, tout en érudition généreuse et humour doux-amer, Boussole est un voyage et une déclaration d’admiration, une quête de l’autre en soi et une main tendue – comme un pont jeté entre l’Occident et l’Orient, entre hier et demain, bâti sur l’inventaire amoureux de siècles de fascination, d’influences et de traces sensibles et tenaces, pour tenter d’apaiser les feux du présent.

“Interroger la frontière. Essayer de la comprendre, dans ses flux, ses reflux, sa mobilité. La suivre du doigt. Plonger la main dans le courant de la rivière ou la saignée du détroit. La parcourir avec ceux qui l’ont explorée, voyageurs, poètes, musiciens, scientifiques. En relever les traces, les cicatrices anciennes ou les interactions nouvelles. Entrevoir tour à tour sa violence et sa beauté. Exhumer des passions oubliées et des échanges enfouis, reprendre des dialogues parfois interrompus. Tenter humblement de recenser les marques de cette passion, de ce qui se joue entre soi et l’autre, entre Les Mille et Une Nuits et À la Recherche du temps perdu, entre L’Origine du monde et un pasha ottoman, entre le chant du muezzin et des lieder de Szymanowski.
J’ai été ce qu’on appelait autrefois un orientaliste. J’ai étudié l’arabe et le persan à l’Institut des langues orientales. Comme mes personnages, j’ai parcouru l’Égypte, la Syrie ou l’Iran. J’ai essayé de reconstruire cette longue histoire, celle de l’amour de l’Orient, de la passion de l’Orient, et des couples d’amoureux qui la représentent le mieux : Majnoun et Leyla, Vis et Ramin, Tristan et Iseult. Sans oublier ce qu’il peut y avoir de violent et de tragique dans ces récits, de rapports de force, d’intrigues politiques et d’échecs désespérés.
Ce long voyage commence à Vienne et nous amène jusqu’aux rivages de la mer de Chine ; à travers les rêveries de Franz et les errances de Sarah, j’ai souhaité rendre hommage à tous ceux qui, vers le levant ou le ponant, ont été à tel point épris de la différence qu’ils se sont immergés dans les langues, les cultures ou les musiques qu’ils découvraient, parfois jusqu’à s’y perdre corps et âme.’’M.E.

 Délivrances, Toni Morrison, Christian Bourgeois éditeur, 18€



Dans son onzième roman, qui se déroule à l'époque actuelle, Toni Morrison décrit sans concession des personnages longtemps prisonniers de leurs souvenirs et de leurs traumatismes.

Au centre du récit, une jeune femme qui se fait appeler Bride. La noirceur de sa peau lui confère une beauté hors norme. Au fil des ans et des rencontres, elle connaît doutes, succès et atermoiements. Mais une fois délivrée du mensonge - à autrui ou à elle-même - et du fardeau de l'humiliation, elle saura, comme les autres, se reconstruire et envisager l'avenir avec sérénité.


 La neige noire, Paul Lynch, Albin Michel, 20€



L’âpreté lyrique du premier roman de Paul Lynch, Un ciel rouge, le matin, métamorphosait le paysage irlandais en un vaste territoire à l’horizon sans limites, au fil d’une impitoyable chasse à l’homme qui poussait inéluctablement un jeune métayer vers l’exil américain, dans un récit visuel fracassant.
Son nouveau roman raconte le retour d’un émigré irlandais au pays. Après des années passées à New York, Barnabas Kane retrouve le Donegal en 1945 et s’installe sur une ferme avec sa femme et son fils. Mais l’incendie, accidentel ou criminel, qui ravage son étable, tuant un ouvrier et décimant son bétail, met un frein à ce nouveau départ. Confronté à l’hostilité et à la rancœur d’une communauté qui l’accuse d’avoir tué l’un des leurs, il devient un étranger sur son propre sol. Confiné sur cette terre ingrate où l’inflexibilité des hommes le dispute à celle de la nature, Barnabas Kane va devoir choisir à quel monde il appartient.

 
Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes, Olivier Bleys, Albin Michel, 20€

Extrait: « Tu veux couper l'arbre qui pleure … Méfie-toi qu'un jour, quelqu'un ne s'avise de te trancher la tête ! Couic ! Bien des gens sont d'avis que nous encombrons la planète et qu'il faudrait, nous aussi, nous débiter en menu bois pour le poêle ! A la place de cette maison et de ses habitants, ils pourraient faire un immeuble de bon rapport, couler le goudron d'un parking ou d'une piste d'aéroport... Rappel-toi, Wei, que les pauvres ne servent à rien ! Ils sont au mieux un zéro, au pire un décompte dans la grande addition de l'humanité ! » 



Dans la banlieue de Shenyang, ancienne ville industrielle, la famille Zhang vit pauvrement au milieu d’usines désaffectées et d’entrepôts à l’abandon. Pourtant, Wei et les siens détiennent un trésor : le dernier arbre à laque. Leur rêve : devenir propriétaires de leur petite maison, afin d’honorer un serment fait aux parents de Wei, enterrés sous le fameux arbre. Ce rêve est sur le point de se réaliser lorsqu’un grand projet minier menace soudain la famille d’expulsion. Une lutte inégale va alors s’engager opposant l’humble famille aux représentants du puissant capitalisme chinois.
Prenant comme toile de fond les transformations violentes de la Chine contemporaine, Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes revisite la fable du pot de terre contre le pot de fer. Belle et profonde méditation sur les liens qui unissent l’homme et la nature, ce roman, écrit dans une langue magnifique, est un conte réel qui ne laissera aucun lecteur indifférent.

 Et en poche !
 
Conquistadors, Eric Vuillard, Babel, 9€50


1532. Francisco Pizarre et ses hommes traversent les Andes. La chute de l’Empire inca sera un épisode inaugural de notre conquête du monde. En faire le récit, c’est accompagner ces mercenaires qui cherchèrent fortune et gloire loin de chez eux dans une aventure violente et hasardeuse ; mais c’est aussi entendre le bruit que fait un monde qui s’écroule.
Avec une puissance romanesque saisissante, Éric Vuillard montre comment cette épopée flamboyante et brutale ouvre une tragédie qui est la nôtre, et dans laquelle la mappemonde, Dieu, l’or et la poudre vont jouer les premiers rôles.

 Nous recevrons Eric Vuillard le mardi 17 Novembre
 Retour à Little Wing , Nickolas Butler, Points, 7€95



Ils étaient quatre inséparables. Hank, Kip, Ronny et Lee. Les rois de la petite ville de Little Wing. À l’âge adulte, leurs chemins ont divergé. Certains sont restés et voudraient fuir. D’autres sont partis loin et ne pensent qu’à revenir. Tous sont en quête de quelque chose, du bonheur peut-être. Quoi qu’il arrive, Little Wing est leur port d’attache. C’est chez eux. Toujours, ils s'y retournent. 


 
Terminus radieux, Antoine Volodine, Points, 8€60


Alors que le dernier bastion de civilisation s’effondre avec la chute de la Deuxième Union soviétique, les déserteurs Kronauer, Vassilissa Marachvili et Iliouchenko commencent un périple sans retour. Pénétrant dans les territoires irradiés par les accidents nucléaires, ils se dirigent vers Terminus radieux, un kolkhoze hors du temps régenté par un nécromancien immortel et une liquidatrice héroïque…



Bain de Lune, Yanick Lahens, points, 7€30



C’est l’histoire d’Olmène, de Dieudonné et de Cétoute… L’histoire des lignées Lafleur et Mésidor, qui malgré le ressentiment, s’entremêlent. À travers eux, c’est l’histoire d’Haïti, habité par les divinités vaudoues Loko, Agwé, Lasirenn, et mutilé par les débordements de violence. Un jour, sur une plage d’Anse Bleue, leur village où terre et eaux se confondent, Cétoute est retrouvée expirante…



Yanick Lahens vit en Haïti. Dans ses romans, comme dans ses nouvelles et ses essais, elle brosse avec lucidité et sans complaisance la réalité de son île. Elle est notamment l’auteur de La Couleur de l'aube (prix RFO) et de Guillaume et Nathalie.



 Viva, Patrick Deville, points, 7€30



D'un côté, le révolutionnaire, l'exilé, le condamné, Léon Trotsky. De l'autre, l’égoïste, l’alcoolique, le désespéré, Malcolm Lowry. Au centre, le bouillonnant Mexique des années 1930, terre d’asile de nombreux artistes en quête d’inspiration et d'un peu de répit dans l'entre-deux-guerres. Mais quand on est pourchassé par Staline, ou par le génie littéraire, le répit est une chimère de peyotl.


Grand voyageur, esprit cosmopolite, Patrick Deville est né en 1957. Il a publié une dizaine de livres. Kampuchéa, Pura Vida, Équatoria et Peste & Choléra (prix Femina 2012) sont disponibles en Points. Il a reçu le prix Ulysse 2014 pour l'ensemble de son œuvre.