mardi 15 avril 2014

Ce qu'on vous propose cette semaine...

Tempête Deux Novellas J.M.G. Le Clézio, Gallimard, 19€50




«En anglais, on appelle "novella" une longue nouvelle qui unit les lieux, l'action et le ton. Le modèle parfait serait Joseph Conrad. De ces deux novellas, l'une se déroule sur l'île d'Udo, dans la mer du Japon, que les Coréens nomment la mer de l'Est, la seconde à Paris, et dans quelques autres endroits. Elles sont contemporaines.»
J. M. G. Le Clézio.


La fête de l'insignifiance, Milan Kundera, Gallimard, 15€90



Jeter une lumière sur les problèmes les plus sérieux et en même temps ne pas prononcer une seule phrase sérieuse, être fasciné par la réalité du monde contemporain et en même temps éviter tout réalisme, voilà La fête de l'insignifiance. Celui qui connaît les livres précédents de Kundera sait que l'envie d'incorporer dans un roman une part de «non-sérieux» n'est nullement inattendue chez lui. Dans L'Immortalité, Goethe et Hemingway se promènent ensemble pendant plusieurs chapitres, bavardent et s'amusent. Et dans La Lenteur, Véra, la femme de l'auteur, dit à son mari : «Tu m'as souvent dit vouloir écrire un jour un roman où aucun mot ne serait sérieux... je te préviens : fais attention : tes ennemis t'attendent.» Or, au lieu de faire attention, Kundera réalise enfin pleinement son vieux rêve esthétique dans ce roman qu'on peut ainsi voir comme un résumé surprenant de toute son œuvre. Drôle de résumé. Drôle d'épilogue. Drôle de rire inspiré par notre époque qui est comique parce qu'elle a perdu tout sens de l'humour. Que peut-on encore dire? Rien. Lisez!  


L'Usage du monde, Nicolas Bouvier, dessins de Thierry Vernet, La découverte 11€



Réédition d'un classique de la littérature de voyage illustré et à prix abordable pour la première fois !

À l'été 1953, un jeune homme de 24 ans, fils de bonne famille calviniste, quitte Genève et son université, où il suit des cours de sanscrit, d'histoire médiévale puis de droit, à bord de sa Fiat Topolino. Nicolas Bouvier a déjà effectué de courts voyages ou des séjours plus longs en Bourgogne, en Finlande, en Algérie, en Espagne, puis en Yougoslavie, vial'Italie et la Grèce. Cette fois, il vise plus loin : la Turquie, l'Iran, Kaboul puis la frontière avec l'Inde. Il est accompagné de son ami Thierry Vernet, qui documentera l'expédition en dessins et croquis.
Ces six mois de voyage à travers les Balkans, l'Anatolie, l'Iran puis l'Afghanistan donneront naissance à l'un des grands chefs-d'oeuvre de la littérature dite « de voyage », L'Usage du monde, qui ne sera publié que dix ans plus tard - et à compte d'auteur la première fois - avant de devenir un classique.
Par son écriture serrée, économe de ses effets et ne jouant pas à la « littérature », Nicolas Bouvier a réussi à atteindre ce à quoi peu sont parvenus : un pur récit de voyage, dans la grande tradition de la découverte et de l'émerveillement, en même temps qu'une réflexion éthique et morale sur une manière d'être au monde parmi ses contemporains, sous toutes les latitudes.


Ingrédients pour une vie de passions formidables, Luis Sepulveda, Métailié, 16€



Dans la lignée d'histoires d'ici et d'ailleurs

L’écriture, l’engagement politique, les amitiés, l’exil, le voyage sont les éléments indissolublement mêlés de ces récits d’une vie d’aventures fascinantes que nous raconte Luis Sepúlveda.
Depuis le moment où l’adolescent se voit obligé par un premier amour de passer de la passion du football à la poésie, jusqu’à ce qu’il découvre que la littérature peut donner une voix à ceux qui n’en ont pas, ces pages entremêlent des récits personnels, des histoires de travailleurs et de leurs luttes, les cris de douleur devant la destruction de l’équilibre de la planète, les réflexions violentes sur la crise économique qui balaye l’Europe, ainsi que l’évocation des moments partagés avec les amis ou les “maîtres”.
Dans ce parcours d’une vocation aux multiples facettes, on voit apparaître en filigrane l’homme Sepúlveda, à travers ses souvenirs les plus difficiles du passé chilien, le destin des camarades dispersés par l’exil qui se retrouvent au bord du Pacifique, un ami à quatre pattes, la joie de la réunion autour de la table d’une famille nombreuse dans laquelle tous les enfants et petits-enfants, aux multiples nationalités, l’appellent “Viejo”, Vieux. Et surtout le fait de savoir que, malgré tout, il a mené une vie “de passions formidables”.


Elisée Reclus, les grands Textes présenté par Christophe Brun, Champs Classiques, 12€



Élisée Reclus, géographe, anarchiste, écologiste

Anarchiste et tolérant, savant rigoureux et fou de liberté, fils de pasteur et athée militant, le plus grand géographe français est pétri de contradictions qui le rendent aussi brillant qu'attachant.

Élisée Reclus, né en 1830 à Sainte-Foy-la-Grande, étudie en Allemagne, traverse la France à pied, travaille comme ouvrier agricole en Irlande, découvre l'esclavagisme en Louisiane et tâte de l'agriculture en Colombie tout en explorant le pays. En 1857, à Paris, il entre à la Société de géographie et devient, avec Bakounine et Kropotkine, un pilier du mouvement anarchiste. Il s'engage dans la Garde nationale pendant la Commune de Paris et, fait prisonnier, il est condamné à la déportation. Grâce à l'intervention de savants anglo-saxons, dont Darwin, sa peine est commuée en bannissement.

Ses ivres, dont la Nouvelle Géographie universelle, ses guides, ses articles font de lui, pour le géographe Yves Lacoste, le « père de la réflexion géopolitique française ». Le premier, il sème les idées de ce qui va prendre le nom d'écologie. Reclus est végétarien, il prône l'union libre, il veut davantage d'indépendance pour les femmes, une éducation différente et plus souple pour les enfants. Son idéologie repose sur l'entraide et la solidarité universelles. C'est un adversaire obstiné de l'État et, comme tel, il s'oppose à Marx. « Ce doux entêté de vertu », selon son ami Nadar, avait une image sulfureuse. Sa vie, que Jean-Didier Vincent raconte avec passion, se lit comme un roman d'aventures.





samedi 5 avril 2014

En Avril ne te découvre pas d'un fil ...

Kanak premières chroniques, Thiosse, Juliet C, éditions du Lampion, 12€90



Kaavo est le nom d’une jeune popinée partie à l’aurore, pour ramasser à pleines poignées des sauterelles aux ailes lourdes de rosées. Kaavo est gourmande, insouciante, et son chemin croise par malheur celui du redoutable Navaé, guerrier orgueilleux, ennemi de sa tribu.
Le flirt canaque est une chronique du désir, du jeu amoureux...
Georges Baudoux alias Thiosse (prononcia- tion de Georges en canaque) est un conteur habile et merveilleux. Les chroniques présentées en quatre volumes sont extraites de journaux calédoniens parus entre 1919 et 1921 ; elles relatent par le détail les péripéties de différentes tribus canaques avant l’arrivée des colons. Une immersion donc dans la mentalité primitive, atavique, à travers laquelle apparaît, empreinte parfois de cruauté, une certaine logique tribale.
Trois autres recueils de chroniques ont été publiés (ils sont également disponibles à la librairie)


Jours tranquilles à Mixing Part, Erlend Loe, Gaïa,18 €
traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud

Nina Teleman, 43 ans. Prof de norvégien. Lunettes à verres épais. Adore l’Allemagne. Bror Teleman, 42 ans. Dramaturge en herbe. Léger problème avec l’alcool. Déteste tout ce qui est allemand. À eux deux : trois enfants.
Tout ce petit monde part en vacances… en Allemagne.
Ils louent un chalet à un couple de Garmisch-Partenkirchen, les Bader, pas franchement polyglottes : après consultation de divers outils de traduction automatique sur Internet, le lieu est rebaptisé « Mixing Part », les Bader « barbier-chirurgien », et les Teleman « Téléhomme ». Voilà qui promet…
Bror essaie d’écrire, mais il est passionné de cuisine, et fantasme davantage sur quelque cuisinière plutôt que sur le théâtre. Une manière bien à lui d’arranger ses problèmes de couple.
Toutes les conditions sont réunies pour couler des jours tranquilles à Mixing Part — ou pas.


Aventures en Guyane, journal d'un explorateur disparu, Raymond Maufrais, Points aventure, 7€80


Voici l’un des récits les plus poignants de l’histoire de l’exploration. En 1950, Maufrais a 23 ans lorsqu’il se lance seul et à pied dans la jungle guyanaise en direction des mythiques monts Tumuc-Humac alors inconnus. On ne le reverra plus. Si un Indien n’avait pas découvert par hasard ses carnets au bord d’une rivière, ce face à face exemplaire d’un homme avec son destin ne nous serait jamais parvenu. Le mystère de sa disparition hantera toute une jeunesse éprise comme lui d’idéal, d’aventure et de liberté.

N'en fais pas une histoire, Raymond Carver, Points, 7€40


Il est des œuvres qui ressemblent à une fête entre amis, intime et chaleureuse. Raymond Carver nous convie ici, au gré de ses poèmes, récits de jeunesse et essais littéraires, à la rencontre de ses passions. On découvre un Carver critique, défendant Hemingway contre ses biographes, et qui s’interroge sur l’art d’écrire des nouvelles, domaine où il excellait.

Comment les fourmis m'ont sauvé la vie, Lucia Nevaï, Philippe Rey éditions, 9€
 
 
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Françoise Adelstain


Sa mère l'a baptisée Crane, prénom sioux qui désigne la grue, le grand oiseau migrateur. Et comme, auparavant, cette même mère avait tenté de se débarrasser d"elle, Crane est née défigurée, chétive et bigleuse.
Son histoire commence dans un trou perdu de l'Iowa dans les années 1950. Avec pour parents, un trio minable, qui s"est constitué sur le circuit des prêcheurs itinérants : Big Duck, faux prêcheur et escroc, père fictif de Crane et de son demi-frère ; Tit, superbe femelle qui les a engendrés ; Flat, mère d'une fille dont Big Duck est vraiment le père ! La maisonnée vit dans la crasse et l"indigence, les trois enfants, non scolarisés, sont livrés à eux-mêmes et sous-alimentés en permanence. Leur unique distraction est le passage du train de 21 h 49 à quelques centaines de mètres de chez eux ; et le reste du temps, la contemplation des champs de maïs qui s’étendent à perte de vue.
Jusqu’au jour où déboulent pelleteuses et excavatrices : la modernité est en marche, le trou perdu va devenir une cité lacustre. Crane, rebelle et miraculeusement surdouée, est alors projetée dans une nouvelle vie qui la sauvera de la misère, mais la plongera aussi dans le mensonge et la solitude.
Horizons de pierre, Atahualpa Yupanqui, le temps des cerises, 14€

traduit de l'argentin par Louise Mamiac


Un demi-siècle de ma vie s'est écoulé entre la pampa et la montagne, apprenant la vie des hommes et les infinis événements de cet étrange et passionnant univers argentin. Des traces de langues antiques adhèrent encore aux légendes, comme le quartz à la pierre, comme la lumière au vol de l'oiseau, comme le silence à la mort. Ce récit, qui aujourd'hui a pour titre Horizons de pierre, fut écrit il y a un grand nombre d'années, en une région appelée Tumbaya, dans la province argentine de Jujuy. C'est l'histoire d'un couple de jeunes Kollas, unis par un intense et dramatique amour : Ismaél et Candelaria. Eux-mêmes m'ont raconté leurs vies, leurs travaux, leurs espérances, leurs silences. Ismaél est berger depuis son plus jeune âge, au nord de l'Argentine. Candelaria est née dans les montagnes de Bolivie. Petite fille de solitude et de chemins, je l'ai appelée Senda. Plus d'un demi-siècle a passé. Où peuvent-ils être maintenant ? Je sais seulement que ces souvenirs habitent un lieu sans oubli dans mon vieux coeur fatigué. Atahualpa Yupanqui, 1988